L'intelligence, l'ordinateur et l'écriture philosophique

Aujourd'hui, nous avons pris l'habitude de voir paraître sur Internet et de lire sur nos écrans d'ordinateur de nombreux textes, des articles, des livres, des messages divers, et il nous étonne toujours moins de voir la science et la pensée se diffuser toujours davantage de cette façon. Ce qui est plus surprenant, pour certains du moins, et sans doute pour les générations futures, c'est que les possibilités de l'informatique n'aient guère été employées dans ce domaine que pour présenter, sous une forme assez analogue, des textes qui auraient aussi bien pu être écrits sur papier. Les ordinateurs et leurs réseaux ont servi pour l'essentiel de machines à écrire perfectionnées et de lieux de publication plus aisés et plus rapides. Sauf exception, nous n'avons pas vu paraître de formes d'écriture innovantes ni de manières nouvelles de production et d'expression de la pensée, notamment en philosophie. Nos nouveaux moyens ne semblent pas même avoir suscité de réflexions particulières sur nos styles de pensée et d'écriture.

Au début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, Maryvonne Longeart et moi-même, nous étions lancés dans des recherches sur la manière dont l'intelligence artificielle pourrait nous conduire à penser autrement, et particulièrement à aborder pratiquement l'exercice de l'intelligence, justement, et la philosophie d'une manière nouvelle. La Toile étant encore inexistante, il allait de soi que c'était sur papier, dans des revues, que devaient paraître nos études. C'est ainsi que notre article de réflexion sur les rapports entre l'intelligence artificielle et l'intelligence supposée naturelle, entre les possibilités logiques et graphiques des ordinateurs et les exigences de la pensée et de l'écriture philosophique, Intelligence artificielle et philosophie sur ordinateur, fut proposé à la revue canadienne de philosophie, Dialogue. Quand le comité de rédaction de la revue nous demanda de traduire notre article dans une autre forme stylistique, correspondant aux traditions académiques du lieu, nous donnâmes l'article original à publier à une revue savante française, la Revue de Synthèse, et nous nous amusâmes à faire la traduction demandée, qui fut publiée, elle, par Dialogue, sous le titre Philosophie sur ordinateur et intelligence artificielle.

La question aurait pu se poser alors de savoir si, pour nous qui réfléchissions entre autres aux effets des manières d'écrire sur la pensée, ces deux articles exposant en principe un même contenu en des styles très différents disaient bien la même chose. Mais l'existence séparée de ces deux articles n'invitait pas à la comparaison. A présent, grâce à Internet, la situation a entièrement changé. Il se trouve que les deux articles ont été republiés par les deux revues sur la toile. Il devient donc possible de passer de l'un à l'autre et de juger aussi de ce que dit le style ou la forme, à propos d'un « même » contenu. Comme l'un de ces articles est libre d'accès et l'autre non, il nous suffira de donner l'adresse du premier et de renvoyer à une copie librement accessible du second.


Intelligence artificielle et philosophie sur ordinateur

Philosophie sur ordinateur et intelligence artificielle